0032 479 330 863 brigadier.plipp@gmail.com

RAF URBAN est un pochoiriste profondément amoureux … Il court de Paris à Barcelone à New York pour le clamer au pochoir ou à l’affiche sur tous les murs de la ville et de la vie ! Nulle limite à sa maîtrise, nulle restreinte à son envie, le lien du cœur au pochoir est chez lui aussi fulgurant que généreux … Et son amour coloré ne peut alors que changer notre propre regard. Celui que nous portons sur les femmes ainsi que sur les coutumes et les cultures qui ne sont pas nôtres … Sur les minorités aussi, celles qui, justement, devraient se dépêcher de devenir un peu plus majoritaires pour nous sauver de notre sombre marasme blanc. Parce que « RAF », ça se gueule aussi en opposition au propos ou au réflexe raciste : Racist As Fuck ! Alors, les femmes de couleurs, les femmes en couleurs, celles de sa famille et celles plus lointaines, elles agissent toutes sur nos murs et dans notre conscience comme un vecteur de coloration massive ! Des pochoiristes comme RAF URBAN, il n’y en a pas assez … Apprécions-le en retour, lui et ses pochoirs teintés d’une profonde et sincère palette d’humanité. Ce faisant, on discute avec lui :    

PLIPP : Peux-tu nous faire le topo de la scène pochoiriste actuelle ?

RAF URBANPour moi, le pochoir, c’est quelque chose qui existe depuis toujours mais c’est vrai qu’aujourd’hui, on a vraiment la sensation que le pochoir revient en force. Il y a une belle petite résurgence … Peut-être par son accessibilité ou par sa capacité à être fait vite et à être démultiplié également.

PLIPPComment te positionnes-tu dans cette scène ?

RAF URBAN J’aime bien exprimer ce qui me touche beaucoup … J’aime exprimer ce que j’ai pris en pleine gueule … Là, récemment, j’ai été hyper touché par des mômes à ALEP. Moi, je suis père … J’ai un gosse qui a six ans et quand j’ai vu ce reportage sur ALEP, quand j’ai vu des mômes qui ont l’âge de mon fils et quand mon gamin m’a demandé si ces enfants allaient à l’école … J’ai vraiment été touché ! J’ai trouvé une photo assez triste d’un môme qui pleure et je l’ai collée un peu partout avec ALEP écrit en-dessous. Par ce message, je n’essaie pas de sauver une ville. J’essaie tout simplement de déclencher quelque chose chez ceux qui verront ce pochoir … Une pensée pour certains ou une prière pour d’autres. J’essaie de ne pas être trop militant dans mon travail que je mets dans la rue sauf quand les choses me touchent vraiment. C’est important, pour moi, d’interpeller les passants dans la rue. Aussi avec mes femmes black aujourd’hui … Je trouve que c’est important de se dire que cette couleur est forte … Je ne les appelle pas les femmes de couleur mais les femmes en couleur. J’aime le côté rayonnant de cette beauté d’Afrique. J’ai juste envie de la mettre dans la rue, cette femme, pour se dire que voilà, on devrait s’arrêter, on devrait la regarder, peut-être autrement … Et peut-être que tu vas la voir descendre dans le métro, que tu vas justement croiser une de ces belles nanas, avec un superbe turban … Peut-être que tu vas la regarder avec un petit sourire en te disant qu’elle est vraiment belle ! Ca sert à ça. Simplement. Sans avoir à se dire qu’on va sauver le monde. Ce n’est pas le but. J’ai juste envie de partager ma sensibilité pendant un moment. Alors, oui, peut-être qu’en ayant vu un pochoir dans la rue, tu vas tomber sur une belle nana de couleur dans la rue et tu vas avoir un regard un peu plus tendre. Peut-être est-ce que tu vas aussi garder cette image en arrière-pensée ? Je trouve que notre capacité à travailler dans la rue, c’est aussi ça, interpeller les gens. C’est comme jouer le rôle d’un petit déclencheur.

PLIPPPeux-tu nous dire comment tu es arrivé au pochoir et ce qu’il t’apporte ?

RAF URBANJe faisais déjà des pochoirs de gosse quand j’avais une dizaine d’années. Je rêvais un peu là-dessus en me disant que, peut-être un jour, je franchirais le pas. Ce pas, il m’est venu petit à petit, la rue nous offrant de plus en plus de possibilités de réaliser des choses. Ce que je cherche, c’est de sensibiliser. J’ai fait une expo dernièrement et j’ay ai rencontré des gens que je ne connaissait absolument pas … Mais, eux, ils avaient vu mes pochoirs dans la rue et c’est quelque chose qui m’a très touché parce que c’était comme si un rapport avec ces gens existait avant qu’on ne se connaisse, en fait ! C’est très vivant, cette relation de voir quelque chose dehors puis de le voir en galerie et d’avoir l’impression que quelque chose se crée déjà avant même de rencontrer l’artiste …  Et alors là, cette relation devient encore plus forte. C’est le vrai partage, celui-là ! Ca te nourrit … Ca te donne aussi un peu de confiance parce que, malgré tout, il faut être un peu solitaire dans sa démarche, que ce soit dehors ou en atelier. Donc si quelqu’un aime une pièce que tu as faite, c’est bien aussi de le rencontrer parce qu’il va peut-être aussi aimer l’histoire qu’il y a derrière. Je fais souvent la différence, quand les gens m’abordent, entre ceux qui me demandent comme je l’ai fait et ceux qui me demandent pourquoi ! Souvent, le meilleur moment, c’est le pourquoi. Le comment, finalement, ce n’est pas si difficile que ça … C’est juste un pochoir. Le pourquoi, c’est quelque chose de beaucoup plus intime … C’est une vraie livraison.

PLIPP : Que vois-tu comme évolution à ta pratique pochoiriste ?

RAF URBANJe me vois sur la continuité de cette couleur de femme black qui m’inspire … Qui me fait vraiment vibrer et me donne de l’énergie. J’aime beaucoup l’univers Motown. L’influence de mes parents était plutôt Soul Black et moi j’ai vu le rap arriver. Il y avait presque une collusion qui s’est créée. C’est un peu comme se dire que cette ligne-là, peut-être qu’elle est pour moi … Je l’ai cueillie. J’ai aussi envie de casser un code … De casser un stéréotype aussi. Dans mes pochoirs, il y a un message de tolérance. Ma femme est métissée et on a souffert d’une forme de racisme parce que moi j’étais blanc et elle était black … Mon message rappelle qu’on a tellement de choses en commun qu’il n’y a pas de différence. Je dis toujours à ma femme qu’elle une chance en plus que moi parce qu’elle est en couleur ! Cette ligne-là, je veux la continuer … Prendre de petites trajectoires aussi, comme sur le Japon pendant un moment. J’ai fait un passage par les Geishas, pour l’effet inverse de ces femmes qui sont dans une sorte de soumission quasi absolue qui contraste complètement avec la société japonaise qui est, elle, hyper avancée. J’avais envie de faire une Geisha avec pas mal de graffiti sur son corps, histoire d’avoir ce contraste de notre quotidien et du sien … Voilà, il y avait plein de choses comme ça que j’avais envie de mettre dedans … Ca a été juste un petit détour en réaction à tout ça. Ma ligne, je la continue. Mes femmes black, je les continue … J’ai des pochoirs en cours de création sur un thème plus 70s et je vais peut-être même intégrer des hommes, des couples. Peut-être aller jusqu’à la relation fusionnelle d’un couple, le baiser !


Facebook (Page) : RAF URBAN
Facebook (Profil) : RAF URBAN

Note : L’illustration 1 est une affiche de RAF URBAN collée dans une rue de Barcelone. L’illustration 2 représente le fils de l’artiste poché sur un mur adjacent au LAVO//MATIK (ici) à Paris. Les illustrations 3 et 4 sont des portraits réalisés sur des planches en bois. Le blog remercie BEN SPIZZ pour l’organisation de l’interview.

 Site Web : RAF URBAN

Note : D’autres extraits de l’interview de RAF URBAN seront repris dans un nouveau livre du BRIGADIER PLIPP à paraître fin 2018.

Copyright BRIGADIER PLIPP pour MAEDIA Publishing pour le texte et les photos sauf indication contraire.